Un article écrit pour cet endroit s’apparente certaines fois à un long parcours de gestation, et la publication à un accouchement, non sans douleur. Quelques heures volées à mon sommeil, quelques longues minutes de « révélation », où les mots s’écrivent dans mon esprit, les phrases s’enchaînent… J’ai l’impression de suivre cette création de l’extérieur, comme si j’en tombais des nues, comme si j’étais la première lectrice ébahie, comme si, grâce à cette lecture, tout devenait un peu plus clair, comme si j’apprenais à connaître mieux celle qui écrit ces lignes. Non, non, je ne suis pas folle, c’est réellement comme ça que ça se passe. Mais le plus difficile, est de retranscrire tout cela le matin suivant, au réveil, en essayant de ne pas trahir le sens de la lecture que j’ai découvert pendant la nuit.

Le premier élément à mettre en évidence est le titre de ce message : SE VOILER LA FACE POUR NE PAS LA PERDRE, il porte en lui tous les maux (mots), tous les complexes, toutes les frustrations ; il est l’élément au centre de toutes les (mes ?) préoccupations.

Cette phrase a cogné dans ma tête cette nuit, bien fort, bien souvent, pour que je ne puisse pas l’oublier, pour que je l’absorbe et la digère, pour qu’elle reste gravée en moi.

C’est l’histoire d’une photo et d’un miroir
   

Au plus loin que j’arrive à me remémorer, il semble que les images que j’accepte de moi (ou devrais-je dire les seules images que je peux regarder avec plaisir), celles qui représentent au plus près ma personnalité, datent de l’époque s’étalant entre 16 et 22 ans.

C’était une période où paradoxalement mon corps changeait inexorablement en femme, mais où je me plaisais à ressembler à un garçon. Tout, dans l’habillement, comme dans la coiffure ou encore la démarche, tout cachait au maximum les formes que d’autres s’efforçaient de mettre en valeur. Je développais alors volontairement des attitudes et des aptitudes masculines, jouant au football, imbattable au bras de fer ou encore fan assidue de hockey sur glace, sans oublier une prise de risque inconsidérée à chercher la vitesse au volant de ma voiture.

J’aimais (et j’aime encore sans aucun doute) me comparer aux hommes, et, avec le recul, je me rends compte que j’ai toujours été un peu plus martienne que vénusienne (cf : « les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus »).

A présent, lorsque je remets la main sur les photos de cette époque-là, j’ai l’impression qu’elles me décrivent assez fidèlement, ce que mon entourage ne peut absolument comprendre et admettre, évidemment, parce que…

Depuis lors, mon corps a subi des changements insupportables et je me sens terriblement complexée : mon surpoids, dû, entre autres, aux grossesses compliquées, et la maladie apparue quelques temps après m’empêchent d’être à l’aise dans ma peau, je suis complètement bloquée dans tout ce qui concerne l’expression corporelle : danse, relaxation, yoga, etc.

On m’a dit l’autre jour que « l’image n’est pas la réalité ». J’en suis consciente, mais il y a une seule image qui reflète la réalité, il s’agit du miroir. Et je déteste me retrouver devant un miroir.

Je les observe, jours après jours, ces femmes (et ces hommes parfois aussi) qui ne peuvent s’empêcher de s’enorgueillir de leur corps en passant devant chaque vitrine des rues commerçantes, qui ne peuvent pas imaginer ne pas vite se refaire une beauté en sortant des wc, ou passer de longs instants à se mirer dans les cabines d’essayage des magasins de vêtements.

Le miroir réfléchit (et oui, il réfléchit !) ma réalité que je ne peux pas affronter ! NON.

Depuis des années, je vis dans le corps représenté sur les images et non sur le miroir.

Depuis bientôt 20 ans, je m’imagine avec ce corps-là, tout le temps, à chaque pas, à chaque mouvement, à chaque activité, et il est donc insupportable d’être confrontée à la réalité si crue et si sévère du miroir ou des vitrines de magasins quand je m’accroche si fort, si intérieurement, à une autre image (qui a été bien réelle, mais qui ne l’est plus, sauf dans ma tête !).

C’est l’histoire d’un miroir que j’aimerais casser et d’une image que j’aimerais voir redevenir réelle. Tout n’est donc qu’apparence ? Non, ce n’est pas un tout, mais c’est devenu, à la longue et avec une évidence qui a grandie avec les jours, une problématique que je vis et que je devrai sans doute un jour assumer, ou alors …

SE VOILER LA FACE POUR NE PAS LA PERDRE !